Tuesday, August 25, 2015

Mème Zombie : les prix bas dévaluent les livres

Ça faisait longtemps que je n'avais pas traduit de billet, cette fois ci c'est le second d'une série que J A Konrath co-écrit avec Barry Eisler sur les "mèmes zombies" , ces idées préconçues qui résistent aux arguments et reviennent sans fin.

Au menu du jour, celui le mème selon lequel la "valeur" d'un livre serait liée à un prix de vente élevé. 

Un billet court (bien plus que son précédent) et qui n'est pas exempt de simplifications excessives, mais bien intéressant pour au moins poser les contradictions portées par le meme en lui même.

http://jakonrath.blogspot.fr/2015/08/zombie-publishing-memes-2-low-prices.html

Des prix bas "dévaluent" les livres

Le postulat que porte ce mème est non seulement faux, mais aussi extraordinairement étrange. Après tout, si vous aimez les livres, pourquoi vous concentrer sur leur valeur monétaire plutôt que leur valeur pour la société ? Ce qui fait la valeur d'un livre n'est-il pas de ce qu'il est largement lu, absorbé et discuté plutôt que dans l'argent qu'il rapporte ? Et si les livres coûtent moins et sont accessibles à un plus grand nombre, ne semble-t-il pas raisonnable (à supposer l'expérience quotidienne valide et que les bases de l'enseignement en économie soit correct) que les gens achèteront plus de livres ? Si les livres sont effectivement importants pour la société, ne devrions nous pas chercher les moyens de rendre les livres moins chers et donc plus largement accessibles ?


Mais même si vous pensez que la seule valeur d'un livre est dans l'argent qu'il rapporte, il est idiot de considérer que des prix plus élevés  impliquent automatiquement de plus hauts revenus. Petit cas d'étude imaginaire : il est peu probable que qui que ce soit maximise ses revenus avec un prix de 5 cents, mais pourquoi ne pas vendre les livres à des centaines de dollars ? Ce prix de 100$ ne prouverait-il pas une encore  plus grande valeur du livre ?

Bien sûr que non. Alors, intuitivement, on sait tous qu'il y a un meilleur prix (le prix auquel le volume * prix unitaire maximise les revenus) et logiquement, ce devrait être celui qu'apporte la plus grande valeur (financière) au livre. Si on fait plus d'argent sur nos livres avec un prix à 5 dollars qu'à 10 ( pas une hypothèse pour nous d'ailleurs, mais un fait empirique) quel est le prix qui "dévalue" le livre ?

Il est aussi raisonnable de penser que différents auteurs avec différentes "marques" auront un "meilleur prix"  différent. Ce qui semble clair est que seules les plus grandes "marques" maximisent le revenu à des pris unitaires supérieurs ou égaux à $9.99. L'attachement de l'industrie historique à ces prix élevés a peu de rapport avec l'optimisation des revenus aux auteurs, et beaucoup à voir avec une intention de retarder la croissance du numérique et la préservation du positionnement du papier. Mais c'est une vérité inconfortable à admettre pour l'industrie historique, alors elle préfère le discours contre-intuitif selon lequel des prix bas (qui rendent les livres accessibles à un plus grand nombre) "dévaluent" les livres. Il semble dommage que certaines personnes semblent croire que les livres devraient être comme des diamants (de chers marqueurs symboliques de statut, accessibles uniquement à quelques élus) plutôt que des objets vitaux quotidiens accessibles à tous, comme l'eau, la nourriture et autres. Mais l’égoïsme produit des arguments étranges.


NoteDuSFReader : Bien étrange en France, alors que politique de TVA spéciale du livre est à l'exact opposé de la notion de produit de luxe, que ce mème y soit quasi identique...

NoteDuSFReader2 : J'ai écrit un billet (particulièrement abscons, mais je crois assez complet) consacré à l'aspect prix du livre pour tous ses aspects "hors" émotionnel : http://readingandraytracing.blogspot.fr/2014/11/prix-du-livre-la-con.html