Dans les deux cas, ils se sont ralliés derrière Hachette, demandant à Amazon d’accéder instamment à continuer à fournir le service "habituel", du moins tant que les négociations continueront, alors que plus aucun contrat ne lie Amazon et Hachette.
Si l’on pousse jusqu’au bout ce raisonnement, ça verrouille toute marge de négociations à Amazon, à qui il ne resterait donc plus qu’à accéder à toutes les demandes d’Hachette, sans rien obtenir en retour.
Remarquez, cette "pseudo-négociation", Hachette et les autres grands groupes d’éditions la connaissent, puisque ça fait des années qu’ils la pratiquent avec les auteurs.
Seulement voilà, avec Amazon, ils tombent sur un os : ils ne sont pas dans la position de force à laquelle ils sont habitués.
Si vous regardez de près la composition de la liste des signataires d’Authors United, ou celle de l’Authors Guild, vous verrez qu’il s’agit le plus souvent d’auteurs à succès ayant pignon sur rue. Des auteurs à qui le système d’édition a réussi.
Évidemment, alors qu’Amazon a réduit au service minimum (et non pas bloqué/censuré/mis sous quasi embargo comme j’ai pu le voir ici ou là) la vente du catalogue Hachette, les ventes de cette maison d’édition ont été impactées. Et avec elles les revenus des auteurs.
Je rappelle au passage qu’Amazon a proposé plusieurs solutions permettant de dédommager les auteurs le temps des négociations avec Hachette, et que ce dernier a refusé.
C’est vrai que par ailleurs les propositions d’Amazon n’étaient pas forcément en faveur d’Hachette. Mais le status-quo actuel est-il beaucoup plus en faveur d’Hachette ? En faveur des auteurs ? Accepter une telle solution aurait sans doute permis de protéger les auteurs, tout en mettant de la pression sur les deux partis pour trouver un compromis rapide...
À l’opposé, bien peu de publicité est faite sur les auteurs qui soutiennent Amazon dans cette affaire, qui ont trouvé en Amazon un "champion" qui leur a ouvert un nouveau marché et pour beaucoup leur permet de vivre de leur plume là où l’édition traditionnelle ne leur laissait au mieux que des miettes.
Partout, l’on voit et entend les éditeurs, libraires et avec eux nombres d’acteurs de la chaîne du livre s’offusquer de la place prépondérante d’Amazon, de sa position dominante (ou perçue comme telle). Passées les questions d’optimisation fiscales ou de ressources humaines, que l’on oublie de reprocher aux autres grands groupes à égalité, on préfère s’offusquer de cette position, plutôt que de se demander d’où elle vient, qui la confère et qui en profite.
La réponse, aussi choquante soit-elle sur ce blog, est qu’Amazon est une référence dans le service client, dans la qualité qu’elle apporte, et dans le rapport qualité-prix.
On les entend s’offusquer, mais on n’entend que peu la chaîne du livre se préoccuper du sort des auteurs, qui comparativement au reste de "l’industrie du livre" sont bien peu nombreux à pouvoir vivre de leurs écrits. Oh, on le sait bien, nombreux sont les auteurs qui aspirent à être lus, quitte pour certains à payer des sommes astronomiques pour quelques exemplaires imprimés qu’ils auront toutes les difficultés du monde à diffuser.
Et dans ces conditions, quelle facilité pour les éditeurs de proposer des contrats déséquilibrés, promettant parfois un à-valoir (pratique encore courante au siècle dernier, mais qui tend à disparaître), le plus souvent des rémunérations limites indignes, et s’appropriant toujours plus les droits des auteurs sur leurs créations (tant en durée qu’en périmètre).
Tout le monde ne peut pas vivre de ses écrits, je le conçois bien, mais pourquoi les auteurs seraient-ils dans la chaîne du livre ceux qui en vivent le moins bien ?
À l’opposé d’Hachette, Amazon est actuellement un des premiers acteurs à soutenir la cause des auteurs. Pas désintéressé, bien évidemment, ne soyons pas dupes. Mais par son soutien ferme à l’auto-publication il apporte beaucoup d’air aux auteurs.
Bien entendu, l’aspect financier direct est évident. De nombreux auteurs américains vivent maintenant de leur plume, pour certains après avoir été refusés par l’Édition, pour certains après y avoir travaillé, et pour d’autres sans avoir jamais ne serait-ce que contacté un éditeur.
Mais il a aussi un impact indirect sur l’industrie de l’édition : en donnant une alternative, il permet aux auteurs de négocier en meilleure position leurs contrats d’édition. Hugh Howey relate dans un billet des améliorations, entre autres contractuelles, qui redonnent du pouvoir aux auteurs. Personnellement, je crois que ces améliorations n’auraient jamais eu lieu sans une vraie alternative au "cartel" de l’édition.
Alors, personnellement, dans la lutte Amazon/Hachette, je choisis Amazon. Direct.
Et j’en appelle à tous les concurrents d’Amazon de monter au niveau. D’améliorer leurs services aux clients, aux auteurs, et aux éditeurs évidemment, pour une concurrence vive, que j’estime importante.
J’en appelle aussi aux éditeurs à améliorer leur offre pour les lecteurs, entre autres en baissant le prix des livres, papier un peu, mais surtout numérique, pour que la lecture devienne plus accessible aux lecteurs, je suis persuadé qu’en proposant les livres numériques à des prix plus faibles, ils trouveront de nouveaux lecteurs, pas forcément des gros, mais nombreux. Que les lecteurs augmenteront le nombre de leurs lectures, et que tout le monde y trouvera son compte.
Aux éditeurs, je demande aussi de mieux rémunérer les auteurs, de mieux refléter les économies réalisées sur le numérique, directes ou indirectes... et aussi d’arrêter leur inflation sur les droits mal-acquis... (Je demande, mais je sais bien que c’est peine perdue. Les éditeurs équitables ne m’ont pas attendu, les autres ne m’entendront même pas).
Enfin, j’en appelle aux auteurs à mieux se protéger. À négocier leurs contrats. A (évidemment ?) envisager de ne pas signer... À consulter des spécialistes avant de signer.
Et ça tombe bien des spécialistes, il y en a parmi eux. À la SGDL par exemple, mais aussi dans toutes les autres associations d’auteurs.
Mme Marie Sellier, Présidente de la SGDL, a écrit cette tribune dans Le Monde il y a presque un mois. Je vous invite sérieusement à la lire. Vous y constaterez évidemment que mon avis diffère sensiblement du sien dans le différent Hachette/Amazon. Mais ce que je vois de très différent par rapport aux communiqués d’Authors United et l’Author’s Guild, c’est qu’elle ne traite pas les éditeurs en seigneur, mais en partenaire.
Un partenaire qui, à mon avis, a trop longtemps profité de la situation.
Avec de tels champions que l’Author’s Guild ou Authors United, conquis qu’ils sont au système qui les soumet, le livre aux US redeviendrait ce qu’il a été avant 2010 : un espace économique ne profitant quasiment qu’aux best-sellers et à leurs éditeurs, au détriment non seulement des auteurs de milieu et en marge de catalogue, mais aussi des lecteurs, à qui on reviendrait à vendre des livres hors de prix, et donc ultimement au détriment de la Lecture.
En France, la SGDL conserve sa liberté. Pas assez de moyens, pas assez de poids pour négocier en bonne position, par exemple sur le sujet du nouveau contrat d’édition. Et là, même si je le souhaite, je ne sais pas comment l’aider. Bien possible que ma dernière idée ait fait long feu... :-(
Mais si vous êtes auteur, je vous invite à les contacter et voir avec eux. Je crois qu’il y a de nombreux chantiers qui les attendent, et qu’ils auraient besoin de soutien, direct ou indirect.