Wednesday, August 20, 2014

Erreurs de Jacques Attali sur Amazon...


Vu l'article "Amazon, et après" de Jacques Attali, et si j'ai été assez agréablement surpris par une analyse qui me semble pertinente de l'état actuel des choses, ses projections me semblent pour le moins... douteuses.

Amazon, Censeur


Celle-ci par exemple

" A terme, Amazon installera un monopole, choisira les livres publiés et les langues dans lesquelles il trouvera rentable de les publier. "

Euh, je ne vois pas Amazon privilégier son "éditeur" interne, ou censurer les livres d'autres éditeurs, indépendants ou non.

Pour une simple raison de pragmatisme: Ce que Amazon sait faire, et veut faire, c'est VENDRE le maximum. A ça, leur solution est simple: vendre ce que veut le consommateur.

Ou plutôt vendre ce que veulent LES consommateurs, dans toutes leurs diversités, et non pas un public restreint. Et ça, ils ne peuvent pas fournir en interne. Bien pour ça qu'ils s'imposent comme marketplace, comme étalage à auto-publication etc.

Vendre ce que veulent les consommateurs, c'est aussi leur donner les informations les plus pertinentes possibles pour qu'ils soient les plus satisfaits possible (à postériori) de leurs achats.

C'est sans aucun doutes dans cette optique là que les algorithmes de recommandations (Also Boughts mais aussi de classement, de placement pulicitaires etc.)  sont optimisés.

Privilégier un éditeur (même interne) pour du placement produit en trichant sur ces algos est contre productif à long terme. Et ça, ils le savent très bien.

Se poser comme éditeur, c'est aussi prendre des risques financiers sur des livres, ce qu'ils font, certes, mais évidemment sur des livres qu'ils choisissent en fonction de leur potentiel commercial... (Comme TOUS les autres éditeurs)

Mais privilégier ces livres par rapport à ceux d'autres éditeurs, c'est aussi donner des conseils moins "pertinents" et donc à long terme mécontenter les consommateurs. Et ça c'est à l'encontre de ce qui fait le succès d'Amz.

Les auteurs de Best-Sellers seuls gagnants avec les consommateurs chez Amazon ?


Si Amazon l’emporte, si les auteurs cèdent, si les éditeurs capitulent, les consommateurs américains y gagneront à court terme ; les auteurs de best-sellers beaucoup plus. Les autres vendront sans doute aussi plus de livres, mais en tireront des revenus beaucoup plus bas ; les éditeurs y perdront tout, comme les libraires.
Je ne vois pas très bien où il voit que les auteurs de best-sellers y gagneraient, symbiotiques qu'ils sont des grosses maisons d'édition. Au contraire, avec l'auto-publication, il s'agit d'une démocratisation des revenus, et ce sont plus les auteurs "mid-list" qui vont s'y retrouver, ainsi que les lecteurs.

Pour les libraires, clairement les jours de grandes chaînes de librairies sont terminées aux US, et il n'y a qu'en se basant sur leur empreinte géographique, locale, et personnelle que les librairies indépendante vont résister.

Que les éditeurs perdent, c'est possible aussi. Encore faut-il qualifier éditeurs... Lesquels ? Ceux qui pilotent droit vers l'iceberg ? Ou ceux qui jouent le numérique correctement, comme un nouveau moyen d'agrandir leur lectorat, et de répondre à ses demandes.

Que les consommateurs y gagnent, je crois qu'il n'y pas de problème, tant que les auteurs sont compensés correctement.

Baisse du prix des livres

A court terme, une fois de plus, les consommateurs l’emporteront : les plateformes de vente en ligne vendront de moins en moins cher aux lecteurs ce qu’elles paieront de moins en moins cher aux auteurs, gardant pour elles la marge de distribution comme rente. 
Il semble incongru de supposer qu'avec un prix de vente en baisse et une marge indexée sur les prix (comme ce que fait Amazon actuellement), la marge devienne une rente...

Ce n'est pas pour rien qu'Amazon dissuade les auteurs auto-publiés de fixer un prix de vente trop faible. Amazon fait le constat qu'avec un prix de vente plus faible (mais pas trop), le chiffre d'affaire ET LE REVENU sont plus élevés, tant pour eux que pour l'éditeur, sur les ebooks. C'est d'ailleurs le coeur de la dispute avec Hachette, qui préfère sacrifier ce revenu sur les ebooks au profit de l'ensemble de la filière papier sur laquelle repose la quasi intégralité de sa légitimité...

La Vraie concurrence


Ce que beaucoup (dont Attali) oublient de considérer dans cette affaire, c'est que même si Amazon devenait un monopole réel sur le marché du livre, la concurrence serait encore énorme. Plus sur le marché du livre en lui même, mais sur le marché du loisir. Entre le livre et TOUS les autres loisirs (TV, Vidéo, Sport, Jeux Vidéos, Réseaux Sociaux etc.). 

Des prix éditeurs dissuasifs, des libraires littérateurs snobs (ou perçus comme tels), des verrous numériques qui empêchent le partage...  Tout autant de points sur lesquels ce n'est pas la "chaîne du livre" qui est mise en danger, mais bel et bien la Lecture. Et faute de rester en ligne avec les attentes des lecteurs (voire de les devancer), en la conservant en "stase", les gros éditeurs sont les complices de ce désastre. 

Seule alternative? Répondre aux demandes des lecteurs, mais aussi des non-lecteurs en leur proposant la lecture comme une offre attractive aux autres loisirs. 

Et si ça passe par embrasser le livre numérique, il faudra bien que les éditeurs avalent la pilule...



Edit : Plutôt que de lire Attali sur la question, lisez François Bon : son article du livre et du pantalon autour de ces sujets est éminemment plus pertinent.

No comments:

Post a Comment